Dans un futur musée de notre époque, il y aura toute une aile dédiée aux pratiques extrêmes. Aux sauts dans le vide depuis les viaducs ferroviaires situés auprès des villages en voie de reconversion économique, par exemple, à l’art de glisser sur les infrastructures urbaines, aux mangeurs de l’extrême, aux convoyeurs de l’extrême, ou encore — et cela mériterait une salle à part — à la motivation extrême. À cette pratique qui consiste à se fixer des objectifs pour ensuite être pris de vertige devant l’abîme qui nous en sépare, puis à se nourrir méthodiquement de ce vertige pour provoquer des états de conscience altérée susceptibles de combler le gouffre de la réalité en faisant intervenir les puissances psychiques occultes. Les visiteurs pourront ainsi découvrir et apprécier nos milles et une stratégies pour accomplir une telle ou telle tâche administrative, ils apprendront enfin comment on s’y prenait jadis pour effectuer les sauvegardes de Mes Documents sur un disque externe, bref — tout l’art de relever individuellement les grands défis de notre époque sera exposé aux regards des visiteurs du futur qui sauront dès lors que la vie harmonieuse qu’ils ont le loisir de mener est le fruit d’anciennes pratiques motivationnelles extrêmes dont l’originalité et l’efficacité ne pouvaient tôt ou tard aboutir qu’à quelque chose de proprement monumental.